La leçon de musique d'Antoine Watteau

Le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles propose jusqu’au 12 mai 2013 une exposition, mais aussi des concerts et des conférences autour d’Antoine Watteau (1684-1721), grand maître français du début du 18e siècle, inventeur des "fêtes galantes". Le projet interdisciplinaire s’inscrit dans le cadre de "Brussels Lille Artline", une nouvelle collaboration culturelle entre la ville française de Lille et la Région de Bruxelles-Capitale. Le photographe flamand Dirk Braeckman et le chef d’orchestre William Christie participent de très près au projet.
© Photo RMN - Jean Schormans

Jamais encore une exposition n’avait été consacrée, en Belgique, au peintre français du début du 18e siècle, Antoine Watteau, bien que ce dernier ait été considéré comme une étoile filante de son époque. Malgré une vie trop courte - il mourut à 37 ans -, il laissa de nombreuses toiles et surtout entre 2.000 et 4.000 dessins, dont 700 sont encore conservés. Son style gracieux et son génie influencèrent l’art européen.

L’exposition proposée par le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar) se penche plus particulièrement sur l’aspect musical de la peinture de Watteau, d’où son titre "La leçon de musique". Elle reprend une quinzaine de toiles et une trentaine de dessins de l’artiste, dont certains n’ont plus été montrés au public européen depuis plus de 50 ans. Ces œuvres sont remises en contexte grâce à une cinquantaine d’estampes de contemporains de Watteau (photo: Louis Surugue d'après Watteau), qui permettent "revoir" certaines toiles disparues de Watteau.

Le parcours propose également des partitions de contemporains du peintre français et des instruments de musique d’époque, que le visiteur reconnaîtra d’ailleurs dans les toiles proposées au Bozar.

© 2009 Musée du Louvre / Angèle Dequier

Atmosphère feutrée des "fêtes galantes"

On sait peu sur les années d’apprentissage d’Antoine Watteau, né dans une famille modeste à Valenciennes. Cette ville n’avait été rattachée au royaume de France qu’en 1678 et était donc encore sensible aux influences flamandes. Mais ce qui est certain, c’est que le jeune artiste autodidacte étudia avec Claude Gillot (1673-1722) et découvrit grâce à ce dernier la peinture italienne et la Commedia dell’arte.

On retrouve de nombreuses traces de ce théâtre populaire italien, avec ses masques, notamment dans la "Scène de la comédie italienne jouée par une troupe d’enfants ou Allégorie de l’Hiver", une huile datant de 1706, ou dans "La partie quarrée" (photo ci-dessus) de 1713 avec Pierrot comme personnage central - deux toiles présentées dans l’exposition bruxelloise.

L’artiste passa la plus grande partie de sa carrière à Paris, qui connait alors un engouement renouvelé pour l’art. Watteau y trouvera un mécène en la personne de Pierre Crozat (1661-1740), qui contribua à l’émergence d’un foyer musical surtout dédié aux musiques française et italienne. Chez Crozat, le peintre copia aussi les dessins de maîtres flamands et vénitiens, comme Pierre Paul Rubens, Antoine Van Dyck, Le Titien et Giulio Campagnola. Leur attention pour la couleur, le mouvement et la sensualité fascinait et inspira Watteau, qui développa son propre style, sans doute moins grandiloquent mais plein de grâce.

Watteau était aussi fasciné par la musique - un tiers de ses toiles dépeignent des musiciens. Nombre de ses dessins (photo ci-dessus) montrent le détail minutieux d’un musicien, où l’on remarque notamment que la position des mains est toujours reproduite correctement. Le jeune peintre aurait aussi observé le travail des facteurs d’instruments. Plusieurs de ses tableaux exposés au Bozar portent d’ailleurs un titre évocateur : "La leçon de musique", "Le concert amoureux" ou encore "L’accord parfait".

© Photo RMN - Michèle Bellot

L’exposition comprend également des toiles et dessins d’artistes contemporains d’Antoine Watteau, comme Gérard-Jean-Baptiste Scotin II, Pierre Aveline ou Nicolas Lancret, qui ont peint "d’après Watteau". On retrouve ainsi des motifs du maître qui ont disparu, tout en prenant la mesure de l’influence exercée par Watteau dans son domaine.

L’exposition comprend en outre une intervention du photographe flamand contemporain Dirk Braeckman (Eeklo, 1958), formé à l’Académie royale des Beaux-Arts de Gand et qui possède maintenant un rayonnement international. Ce dernier (photo) a pu voir certaines des toiles de Watteau qui n’ont pu être incluses dans l’exposition - comme "Les plaisirs du bal" - et en a photographié des détails

Un projet artistique transdisciplinaire

Tout au long des dix salles de l’exposition, des points d’écoute permettent aux visiteurs de découvrir une sélection de morceaux de musique illustrant l’œuvre de Watteau. Il s’agit notamment d’extraits d’un concert donné tout récemment au Bozar par le chef et claveciniste spécialiste de musique ancienne William Christie et son ensemble Les Arts Florissants.

On y trouve aussi des partitions de compositeurs contemporains de Watteau, comme Jean-Féry Rebel, François Couperin, Marin Marais ou Arcangelo Corelli, et des instruments d’époque pour lesquels ces morceaux ont été écrits. Mais le projet comprend aussi un véritable volet musical, dont la conception a été confiée au chef français d’origine américaine William Christie (photo). Le fondateur des Arts Florissants occupe d’ailleurs une place centrale dans le cycle de 8 concerts "Watteau et les muses" que présente la section Bozar Music dans le cadre de l’exposition.

Parmi ces concerts, citons notamment celui du 20 mars au Bozar - où l’ensemble Les Talents Lyriques interprètera le ballet "Terpsichore" de Händel en compagnie de l’ensemble de danse baroque Fêtes galantes de Béatrice Massin -, ou encore le projet musical et visuel "La lanterne magique de Monsieur Couperin" (19 avril à la Chapelle Protestante) pendant lequel la salle sera éclairée à la bougie pour permettre des projections féériques d’une lanterne magique en dialogue avec des pièces pour clavecin de Couperin.

Des conférences portant sur la relation entre Watteau et la musique sont en outre organisées au Bozar jusqu’à la fin de l’exposition, le 15 mai prochain, données par des spécialistes français. Enfin, un double CD intitulé "La musique de Watteau" a été réalisé avec la collaboration inédite de la firme Harmonia Mundi.

L’exposition "Antoine Watteau. La leçon de musique" est à voir au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles jusqu’au 15 mai 2013, du mardi au dimanche de 10 à 18h (nocturne jusqu’à 21h le jeudi). Adresse : Rue Ravenstein 23 à 1000 Bruxelles.

Informations sur www.bozar.be ou au 0032 2 507 89 89.

L’exposition sera ensuite montrée au Palais des Beaux-Arts de Lille (France).

Anne François

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