Hannelore Coen (Flickr.com - CC BY 2.0)

En Flandre, les chômeurs de longue durée vont devoir effectuer des travaux d’intérêt général

Toute personne au chômage depuis plus de deux ans devra effectuer des travaux d'intérêt général à partir de 2023. Les récalcitrants risquent dans le cas contraire de perdre leurs allocations. La ministre flamande de l’Emploi, Hilde Crevits (CD&V), poursuit ainsi ce plan controversé qui figurait déjà dans l'accord de coalition du gouvernement flamand.

En Flandre, environ 70.000 personnes sont actuellement au chômage depuis plus de deux ans. La ministre flamande de l'Emploi est désormais parvenue à un accord au sein du gouvernement flamand sur le service communautaire obligatoire.

L'Office flamand de l'Emploi (VDAB) travaillera dans ce cadre avec les communes flamandes pour voir où les chômeurs de longue durée peuvent être déployés. Les personnes concernées se verront confier un emploi par une collectivité locale de leur commune pour une durée de maximum 64 heures par mois. Le chômeur conservera alors son allocation, laquelle sera complétée par un montant de 1,30 euro de l'heure.

Il s'agira, par exemple, d'apporter un soutien lors d’évènements, dans les centres de vaccination, dans le service de jardinage ou encore dans les écoles. Il appartiendra au VDAB de déterminer, avec le chômeur, si ce dernier est obligé de prester ces heures d'intérêt général.

"Conserver les compétences de ces personnes"

Hilde Crevits poursuit ainsi un projet qui a régulièrement suscité de vives discussions au cours des dix dernières années. L'ancien ministre de l'Emploi, Philippe Muyters (N-VA), n'en voyait notamment pas l'utilité, sachant qu’il existe déjà un système de travail de proximité en Flandre.

Selon la ministre Hilde Crevits, la principale préoccupation est ici de conserver les compétences des chômeurs. "Les personnes qui sont au chômage pendant plus de deux ans perdent un certain nombre de compétences nécessaires pour un emploi, comme par exemple les compétences sociales, ou encore savoir comment se comporter au travail. Nous voulons y répondre en leur faisant faire des travaux d'intérêt général. De cette manière, ces personnes conservent des contacts sociaux et continuent d’être formées aux compétences sociales. La mesure devrait donc avoir un effet de renforcement des compétences. J'espère de cette façon offrir une réponse aux critiques qui trouvent le projet inintéressant", explique-t-elle. 

Un travail à durée déterminée

Les travaux d’intérêt général seront limités dans le temps. "Nous voulons en effet éviter que les gens y restent pour toujours", explique Hilde Crevits. "Mais nous voulons aussi éviter que les personnes qui ont été demandeurs d'emploi pendant deux ans restent dans cette inactivité et s'éloignent ainsi encore plus du marché du travail."

Les malades de longue durée seront toutefois exemptés de cette mesure. Ce sera également le cas des personnes dont le VDAB estime que le travail d'intérêt général ne serait pas compatible avec le processus de recherche d'un nouvel emploi.

"Une grande consultation est nécessaire".

D’après Hilde Crevits, une consultation avec les autorités locales et les partenaires sociaux est prévue. L'Association des villes et communes flamandes (VVSG) a indiqué qu'elle "souhaitait d'abord examiner l'impact de la mesure". "Nous voulons discuter des conséquences organisationnelles et financières pour les autorités locales", explique-t-elle.

De son côté, le syndicat socialiste ABVV réagit avec méfiance.  "En premier lieu parce qu'il s'agira d'une obligation", souligne Caroline Copers, secrétaire générale de la FGTB flamande. "Il y a beaucoup de personnes vulnérables dans ce groupe de chômeurs de longue durée qui ont besoin d'un soutien personnalisé. Cette obligation ne vous permettra pas de leur offrir ce soutien", explique-t-elle.

Caroline Copers se demande également ce qui est prévu une fois les travaux d’intérêt général prestés. "Il devrait y avoir un passage à un emploi de qualité. Est-ce que cela est prévu ? D’après des recherches scientifiques, toutes ces formules d'expérience professionnelle ne sont pas si efficaces. Il s'agit souvent de systèmes coûteux qui nécessitent beaucoup d'organisation. Nous n'en sommes pas encore là, et des consultations seront donc nécessaires."

"Juridiquement très imparfait"

Pour Ides Nicaise, professeur à la KU Leuven et chercheur à HIVA, les travaux d'intérêts général ne sont pas une bonne idée. "S'il s'agissait d'un service volontaire, ce serait complètement différent. Mais cela va à l'encontre du principe du droit au travail et donc du droit au libre choix du travail. Juridiquement, c'est très imparfait", souligne-t-il.

Ides Nicaise a analysé des systèmes similaires à l'étranger. "Si vous essayez de les appliquer à grande échelle, les gouvernements sont incapables d'offrir une main-d'œuvre de qualité. Vous avez ensuite toutes sortes de formes de travail forcé pour occuper les gens. Si les gens pensent que c'est inutile ou que ça ne leur convient pas, ils sont sanctionnés. Cela finit par se transformer en une machine à suspendre."

D’après le professeur de la KU Leuven, il existe aussi un risque que les chômeurs cessent de chercher un emploi plus décent. "La situation stigmatise par ailleurs ces demandeurs d'emploi. Les employeurs ont tendance à se détourner de ces candidats car qu'ils pensent que ces derniers ne sont pas motivés et qu'ils ont été contraints de se présenter."

Ides Nicaise estime que les travaux d’intérêt général pourraient même détruire la mise à l’emploi traditionnelle. "Il est beaucoup plus intéressant de recruter quelqu'un avec un tel faux statut, car cela ne coûte presque rien", souligne-t-il. "Des études d'évaluation à l'étranger nous montrent en outre que l'emploi net de ces systèmes est de 0. Et si l'on tient compte du déplacement de la main-d'œuvre régulière, il est même négatif", prévient-il.

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